Discours de l’Aigle

SECOND DISCOURS DE L’AIGLE


Le corps qui gît dans un tombeau près du banian
Appartenait à un paralytique devenu savant.
Tournant son regard perçant vers les nues célestes,
L‘Aigle reprit la parole. Au loin, un nuage funeste
Assombrit et rafraîchit les monts cordouans. Le banian
Se redresse et hume ses propos inouïs et sonnants
Soudain, on entendit la question lancinante :
« Qu’est-ce Dieu ? » l’Aigle, aux ailes puissantes,
prononça gravement ces mots comme pour amorcer
son second discours. Le banian fût muet de félicité.
« Dieu est unique. Il est possesseur sans associé
Et roi sans ministre. Il est pur de toute bien-aimée.
Il n’est pas une substance occupant un espace
Car il serait localisable d’où sa glorieuse face
Incorporelle. Il n’est pas un accident car là,
La Permanence serait impossible pour lui. Voilà
Sa transcendance, or il y a plus : à Dieu
Appartiennent la vie première en tout lieu
Et la vie dernière. Il n’a pas de représentation
Intelligible et les intelligences, émues de compassion,
Ne montrent pas la voie qui mène vers le Tout-Puissant.
Nul temps ne le limite, nul lieu ne le diminue autant.
Il a fait descendre les esprits dans les corps
Comme dépositaires, et il a établi, sans tort,
Comme représentants sur la terre les corps dans
Lesquels sont descendus les esprits. Il est connaissant
Il leur a soumis tout ce qui est dans les cieux
Et sur cette vaste terre. Pas un atome ne se meut
Si ce n’est vers Dieu et de Dieu. Il a créé les univers
Faisant ce qu’Il veut, Dieu aime l’homme qui le sert.
Gloire à lui ! » ayant entendu ces paroles divines,
Le profond banian tressaille, s’agite et opine
De ses rameaux palpitants ; puis, il pousse un cri
Voilé et plaintif. Il se reprend et donne un bel avis :
« J’aurais plaisir à te répondre vite pour ton savant
Témoignage mais n’oublie pas que Dieu est omniscient… »
Dans la plaine, le banian, entouré de ses fidèles compères,
Soupire de ravissement. Oliviers, figuiers, conifères
Et autres essences frémissent. Au repos, l’oiseau
Couve de son aile un nid rempli de petits moineaux.

Fait à Paris le 24 Oct. 2000

Fabrice Duniach

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